
Rouen. L’erreur médicale commise il y a 27 ans à sa naissance a rendu Lina polyhandicapée.
Sa famille est depuis dans un combat judiciaire interminable. La Justice a condamné les assureurs des deux médecins fautifs à lui verser près de 20 M€. Mais appel a été interjeté…
Comment garder la force de se battre après presque 27 ans de combat judiciaire ? Près de 27 années d’attente pour obtenir condamnation, à défaut de réparation, après un accouchement qui a mal tourné le 9 juin 1998, à l’ancienne clinique du Jardin des plantes, à Rouen.
Pour rendre justice à ce bébé qui a souffert en venant au monde, devenu cette jeune femme polyhandicapée, totalement dépendante. Le dénouement semblait proche pour Lina et sa famille après l’audience du 7 octobre 2024, en chambre civile, au tribunal judiciaire de Rouen.
Mais les délibérés ont été renvoyés par deux fois. Et après que le tribunal a enfin rendu sa décision courant mars 2025, c’est la partie adverse qui vient d’interjeter appel…
« Elle est déçue et a l’impression que ça ne se terminera jamais »
Me Éva Castiglia – Avocate de Lina et sa famille
Les juges ont en effet prononcé une condamnation lourde : près de 20 millions d’euros à verser en capital à Lina, ses parents et son frère aîné. Une décision que l’une des deux compagnies d’assurances – la Mutuelle d’assurance des professionnels de santé (MACSF) – des deux médecins accoucheurs n’est pas encline à accepter.
La responsabilité des médecins reconnue depuis 2020
Pourtant dans cette affaire, la faute des deux gynécologues-obstétriciens ayant suivi la grossesse de Valérie Meyer est reconnue depuis près 25 ans.
« Les responsabilités des médecins ont été tranchées suite à un rapport d’expertise judiciaire déposé le 16 octobre 2000 », rappelle Me Éva Castiglia, avocate du barreau de Nice spécialisée dans la défense des victimes d’accident et d’agression. Avec son associé Me Cyril Offenbach, elle défend les intérêts de cette famille qui a dû renoncer à la vie qu’elle avait construite à Rouen.
Lors de leur plaidoirie, les deux avocats niçois avaient demandé que Lina, ses deux parents et son frère aîné soient indemnisés à hauteur de 34 millions d’euros.
Le bras de fer judiciaire continue
« Lina ne parle pas, ne marche pas, ne mange pas toute seule… Son invalidité est reconnue à 95 % », rappelle Me Castiglia, qui ne se résout pas à contempler le résultat de cette erreur médicale.
Un accouchement déclenché sur une grossesse dont le terme avait été dépassé de sept jours, une césarienne pratiquée en urgence mais bien trop tard, provoquant des souffrances fœtales et une privation d’oxygène. Avec à l’arrivée du nourrisson des lésions graves irréversibles…
« Ma fille a été placée sous coma médicamenteux et a passé 17 jours en réanimation après la césarienne…Ils l’ont handicapée à vie », nous avait résumé, avec pudeur, Valérie Meyer, au moment de l’audience civile.
Aujourd’hui, c’est une maman, meurtrie depuis presque 27 ans, qui doit encore attendre. « Elle était satisfaite de la condamnation. Avec cet appel, elle est déçue et a l’impression que ça ne se terminera jamais », rapporte Me Castiglia qui pensait que « l’appel serait évité ».
L’avocate estimait que « la réponse du tribunal, qui a entendu les arguments des victimes, était juste ».
Le bras de fer judiciaire doit alors encore reprendre. « On repart pour au moins 18 mois de procédure… »
Journaliste : Delphine Letainturier (d.letainturier@paris-normandie.fr)