Amputé après un accident sur le quai d’une gare, il demande réparation

Clément Rolin (à droite) et son avocat Cyril Offenbach. V.B.

Le 7 avril 2019, Clément Rolin a un accident sur le quai de la gare de Golfe-Juan. Amputé du bras, il essaye depuis de reprendre le cours de sa vie et a entamé une procédure contre la SNCF

Une vie arrachée sur le quai de la gare. Celle de Clément Rolin, 37 ans. On est le 7 avril 2019. Il est 22 heures.

« Je rentrais chez moi. Je descendais du train à la gare de Golfe-Juan. J’avais oublié ma veste à l’intérieur du wagon. Je me suis donc mis à la fenêtre pour interpeller la personne qui voyageait avec moi et lui demander de regarder. Mais elle était sur son téléphone et ne voyait pas les gestes que je faisais. Moi, j’étais obnubilé par ça. Je ne pensais pas que le train allait redémarrer immédiatement. C’est allé très vite…. Je n’ai rien compris. »

Comme pris dans le tambour d’une machine à laver, Clément chute entre le train et le quai. L’accident dure quelques secondes. Suffisamment pour changer sa vie.

« C’est très flou. Cela m’arrive encore maintenant d’avoir des flashs dans mes cauchemars où j’ai l’impression de revoir la scèneMais, aujourd’hui, je suis incapable de dire comment cela s’est passé. Quand j’ai rouvert les yeux, la seule chose que j’ai vue, c’est mon bras qui était en train de pendre… « 

« C’EST UN MIRACULÉ »

La liste des blessures est impressionnante : amputation de l’avant-bras droit, fractures multiples (scapula droit, vertèbres, cheville), ligament croisé du genou, etc.

« J’ai perdu presque trois litres de sang… « , souffle Clément qui reste au final deux semaines en réanimation. Puis sept mois en rééducation au centre hélio marin de Vallauris.

« C’est un miraculé », souffle son avocat maître Cyril Offenbach.

« Le plus gros choc ? Le lendemain de l’opération. J’avais un bras branché. L’autre sous le drap. Le premier réflexe que j’ai eu a été de soulever le drap et de regarder mon bras… Je me suis effondré. Toute ma vie a basculé. Mon monde s’est écroulé. « 

Son boulot, d’abord. Auxiliaire de vie, il doit désormais « se réorienter « . Son appartement, ensuite qui n’est plus adapté. « Je ne pouvais plus non plus payer le loyer… « . Accepter aussi de vivre avec un membre amputé. « Les premiers mois je n’arrivais pas à me regarder dans une glace « , confie-t-il. Les suivants, il apprend à accepter le regard des autres.

« Rien que les gestes du quotidien. Je ne peux pas les faire. Je persiste à les faire tout seul, mais… Je m’efforce de ne pas pleurer, de rester digne, mais tous les jours j’ai la boule au ventre. « 

DOUTE, COLÈRE, TRISTESSE…

Heureusement, Clément peut compter sur ses parents (« Sans eux, je serais aujourd’hui à la rue « ). Sur son frère. Sur leurs mots, leurs encouragements, leurs gestes. Des détails qui agissent parfois comme des déclics et lui permettent de se relever petit à petit. « La vie continue, différemment, mais elle continue. « 

Doute, colère, tristesse… « Je suis passé par tous les sentiments. Désormais, j’essaye d’avancer sans trop regarder en arrière… « 

Un combat quotidien qu’il mène aussi sur le terrain de la justice au côté de son avocat. « On a formulé une réclamation auprès de la SNCF, qui a refusé toute forme d’indemnisation », explique maître Cyril Offenbach qui hausse le ton : « Depuis le début, il a peu de soutien : la police a refusé de recueillir sa plainte alors que ce n’est pas leur rôle d’apprécier s’il y a une infraction pénale ! Ensuite le procureur a classé le dossier en quelques jours considérant que l’affaire relève du civil ou de l’administratif.« 

Désormais, le dossier est en cours d’instance dans le cadre d’une procédure au civil où le juge des référés de Grasse lui a déjà accordé une audience. « Une première décision qui a décidé que le cas de Monsieur Rolin relève d’une procédure au fond. Une audience en urgence a même été fixée. »

L’affaire aurait pu être déjà close. « Mais peu de temps avant l’audience, la SNCF Voyage nous a informés qu’il fallait plutôt s’adresser à la SNCF Gares et Connexions qui est une autre entité…,assure l’avocat spécialisé. En plus de ne pas indemniser, la SNCF a décidé de faire durer. Il y a une attitude très déplaisante… « 

RECHERCHE DE TÉMOINS

Finalement le dossier devrait être évoqué devant la justice à la fin du premier trimestre 2021. Le duo garde espoir d’atteindre son objectif.

« On considère que la SNCF à travers ses différentes entités est responsable, clame l’avocat.Un huissier a constaté la dangerosité du quai vétuste et épaufré. Il a aussi constaté un espace de 30 cm entre le quai et le wagon. Et qu’il n’y avait aucun élément de sécurité dans cette gare. Même pas de vidéosurveillance. Ce qui est étonnant : c’est qu’aucun voyageur n’a été interrogé alors que le train est resté immobilisé un certain temps, non ? Il n’y a qu’un seul témoin, un employé de la gare… D’ailleurs si l’article permet à des personnes qui ont vu l’accident de se présenter. Cela permettrait à Monsieur Rolin d’en savoir plus sur son accident. « 

Et l’avocat de poursuivre : « Ce n’est pas le premier accident de ce genre et ce ne sera pas le dernier si on ne fait rien! Il est incroyable qu’un train puisse partir sans que personne ne s’assure que le quai est dégagé… Comment ce type d’accident est-il encore possible en gare ?« 

(Source: VINCENT BELLANGER , Nice Matin)